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Billy Tremblay

Questions – réponses avec un lecteur

Dernière mise à jour : 23 sept. 2022

Un lecteur a montré un grand intérêt pour les sujets du blogue et depuis nous échangeons régulièrement sur la chasteté masculine raisonnée. Leur CMC ressemble beaucoup à la nôtre : elle est aussi très modérée! Et j’ai trouvé plusieurs de ses questions très pertinentes et inspirantes. Je lui ai donc demandé s’il souhaitait m’aider à rédiger un article du type questions-réponses. On vous présente donc les résultats de notre travail.


Question : Dans votre guide vous amenez l’idée d’une CMC très modérée et très raisonnable. Pourquoi avoir ajouté le terme « raisonné » à CMC?


Réponse : C'est une bonne question! S‘il avait été question de faire un guide sur la CMC dans toutes ses versions, il n’y aurait probablement pas eu de guide. Ma version de la CMC douce, à temps partiel et sans le volet BDSM et plus accessible existe. Je ne l’ai pas inventé. Elle n’est pas nouvelle, beaucoup de monde la pratique. Mais je trouvais qu’elle n’avait la visibilité qu’il lui faut, surtout dans le monde francophone où la formule est polarisée vers deux ou trois modèles avec toujours une place importante pour la domination-soumission. Au début de la rédaction, comme d’autres j’utilisais « CMC non SM ». Mais je faisais face à plusieurs problèmes. D’abord il y a déjà plusieurs définitions pas toujours égales de la « CMC non SM ». Et « CMC non SM » ne permettait pas de me dissocier totalement de la domination-soumission qui n’existe pas dans notre relation de couple. Ensuite au lieu de dire ce que ma CMC n’est pas, il fallait que je lui trouve un nom de ce qu’elle est. L’exercice était de faire la part des choses et c’est de là que le terme CMC raisonnée est venue s’inscrire dans le titre du guide.


Question : Vous excluez le BDSM et le rapport de domination-soumission dans la relation KH-encagé. Pourtant la gynarchie conjugale n’est-elle pas une forme de domination de la KH sur l’encagé?


Réponse : Je réalise que je n’ai jamais indiqué clairement que notre CMC excluait la notion de gynarchie conjugale. Dans notre relation, ma conjointe préfère une relation égalitaire, équitable, mature à une relation gynarchique. Je me rappelle l’avoir appelé ma reine alors que je portais la cage! Ça l’a éteint! Complètement! C’était dans nos débuts. Elle n’est pas bien dans ce rôle! La gynarchie conjugale ce n’est clairement pas pour elle. On a failli tout abandonner à ce moment. J’ai compris en discutant avec elle que sa CMC est plutôt une version féministe telle que celle de Julietta Tremblay. Elle aimait cette référence pour sa douceur. Aujourd’hui, détenir la clé lui permet de répondre à ce combat qu’elle se livre constamment entre sa la force et la vulnérabilité d’être femme. C’est donc une CMC pour les KH comme elle qui veulent être respectées, apprendre à ne pas s’oublier et de ne pas se sentir redevable, mais tout ça dans une relation d’égalité et d’équité homme-femme. Pour ma part je suis plus terre à terre. Je tire ma satisfaction de la privation d’orgasme, de la monté de l’ocytocine et du plaisir des caresses plus satisfaisant que le plaisir phallique et de l’orgasme souvent moyen qu’il procure. Aussi, le thème de la sexualité masculine décomplexé prend beaucoup de place et ceci me satisfait pleinement. Vivre la CMC en couple, dans le plaisir et sans entretenir une relation gynarchique est donc très possible.


Question : En CMC on joue beaucoup sur la privation du plaisir pour l’homme encagé. Votre approche va plutôt en sens inverse. Pourquoi?


Réponse : Quelque chose qui n’est jamais clairement énoncé en CMC c’est le caractère érotique de la cage de chasteté. En langue anglaise, on utilise le mot sex-toy : traduction jouet sexuel. En français on va plus justement utiliser jouet érotique. La cage de chasteté est un jouet amusant, et il est érotique de le porter. C’est majoritairement à la demande de l’homme que la cage de chasteté est portée. La similitude est comparable au BDSM, la plus grande part du plaisir est vécu par la personne soumise et non par la personne dominante. Sinon ce serait du sadisme. Donc dire que l’homme encagé est privé de plaisir est donc faux. L’érotisme de la cage est intense au début et ceci s’atténue avec la pratique. C’est avec le temps, au moins une année, que la transition et la découverte de la signification de la chasteté masculine s’effectuent. Et priver l’homme de l’accès à son organe lui permet d’explorer d’autres plaisirs et d’autres zones érogènes négligées. La sexualité masculine décomplexée ne fait que permettre à l’homme, encagé ou non, d’exprimer ses désirs et ses préférences qui sont déjà inscrites au plus profond de lui, caché sous une épaisse couche de conformité sexuelle.


Question : Justement, avec la sexualité masculine décomplexée où la sexualité hétéronormative est remise en question, il y a une grande place au plaisir anal pour l’homme hétérosexuel. Est-ce que vous croyez que les hommes sont rendus là ou si le sujet est toujours tabou?


Réponse : Le sujet et effectivement très tabou! Ce plaisir est pourtant si universel. J’ai découvert le plaisir anal réceptif adolescent, avec le reste, et ceci n’a jamais remis en cause mon identité ni mon orientation. Mais j’ai tenu secrète la chose avec mes copines de l’époque et près de vingt ans avec ma conjointe actuelle. La nouvelle génération plus instruite sexuellement ne se cache pas autant. Mes échanges avec le personnel qui travaille dans les boutiques érotiques le confirment. De jeunes couples qui achètent tout ce qu’il faut pour le pegging est maintenant plus courant. De même pour les hommes qui demandent des conseils sur l’achat des jouets anaux et sans sentir le besoin de justifier qu’ils sont strait. Le sex-toy anal pour homme exclusivement gai n’existe plus. L’industrie s’adapte avec de nouveaux produits adaptés au plaisir anal masculin sans aucun lien à l’orientation sexuelle avec des couleurs et des modèles plus adaptés. Aussi, la pénétration anale de l’homme hétéro n’est plus obligatoirement un acte BDSM, mais aussi un plaisir assumé. C’est quelque chose que l’on devrait pouvoir parler ouvertement dans les prochaines années. Les hommes sont invités à assumer pleinement ce plaisir. Une chose est certaine, les adeptes de la CMC ont majoritairement cette ouverture d’esprit et que ceci est déjà accepté pour la majorité.




Question : La privation de la pénétration, pourquoi en avoir fait l’élément à la base de la CMC raisonnée?


Réponse : Pour toutes les bonnes et les mauvaises raisons. D’abord les cages de chasteté ne sont pas infaillibles. La KH ne contrôle peut-être pas tant la sexualité de l’homme. Mais tant que l’homme est en cage, le message transmis par la KH est que la pénétration est sous son entière gestion. Ça prend la clé! Son message est alors simple : « Pense à autre chose! Pense à m’aimer, me gâter, à me sortir au restaurant, à passer du temps agréable en couple! Ne le fais pas dans le but ultime de me pénétrer! Mon plaisir d’abord, le tient peut-être! » Et pour l’homme en mode CMC raisonnée, se priver de la pénétration, de son pénis, n’est pas un drame, mais une façon d’amener sa sexualité au niveau supérieur, dans le même univers que la sexualité des femmes : la douceur, la sensualité, les caresses, le plaisir au sens large, etc. J’observe normalement les effets de l’ocytocine au troisième jour de privation d’orgasme et un maximum au douzième jour. La plage du 3 - 12 jours c’est ce que j’appelle ma plage d’homme câlin où le plaisir prend un tout autre sens! Aussi, quelques lectures mon beaucoup inspirées, comme « Au-delà de la pénétration » de Matin Page et le lot de témoignage de femmes à propos de la pénétration. Il y a aussi une source d’inspiration dans « Sortir du trou » de Maïa Mazaurette. Il y a donc une part idéologique dans l’outil qu’offre la cage de chasteté aux femmes : l’homme sans pénis, devenu si doux, si aimant, cajoleur et qui comprend les désirs féminins.


Question : Vous dites donc que la sexualité des femmes est supérieure à celle des hommes?

Réponse : L’orgasme féminin est magnifique, sensuel, complexe et entier. Celui de l’homme est primitif tant qu’il reste dans le créneau de l’érection-éjaculation et de l’homme macho qui croit pouvoir faire jouir les femmes seulement en les pénétrant. L’homme chaste admire la beauté et la douceur de l’orgasme féminin, il le comprend, il le maîtrise parfaitement. Il trouve les bons mots pour les femmes qui doutent à propos de leur sexualité. Aussi, il en voudrait un pareil et c’est possible assez facilement s’il accepte d’ouvrir son esprit à sortir de cette sexualité hétéronormative! La transposition du corps et de l’esprit dans une sexualité réceptive est une source de plaisir intense pour l’homme encagé. Il ne donne plus son pénis, ni son sperme, ni le plaisir. À l’inverse il reçoit les caresses, il ouvre ses jambes et se laisse pénétrer, il se laisse aller à l’autre dans la confiance. Donc oui, la sexualité des femmes est supérieure à celle des hommes par sa douceur et sa beauté! Mais l’équivalent chez l’homme est très facilement accessible à la condition de s’ouvrir aux découvertes, de lâcher la pornographie actuelle, de travailler sur la douceur plutôt que la performance, et finalement d’accepter que la finalité soit plus que seulement le coït.


Question : La dissociation de la CMC du BDSM est au cœur de la CMC raisonnée. Mais l’utilisation de la cage de chasteté peut-elle vraiment être dissociée du BDSM?


Réponse : Je crois que oui. Le terme BDSM est apparu pour la première fois en 1991 exactement. Le cuir noir, les chaînes, les piercings, tout ça a été construit en fonction d’une image qui fait référence à la culture punk de l’époque. La pratique a continué d’évoluer et c’est devenu plus accessible avec la période du livre Cinquante nuances de Grey et la vente d’accessoires dans les boutiques. Quelqu’un a fait une la Human Sex Map, une carte du monde qui couvre toutes les activités BDSM actuelles. Je dirais qu’aujourd’hui que cette carte est plutôt un continent qui rejoint d’autres continents dans l’expression de la sexualité humaine. Deux hommes homosexuels ne font pas du BDSM lorsque l’un pénètre l’autre, ils font l’amour. Plus j’y pense, plus je place la CMC raisonnée dans l’hémisphère où s’est plutôt lié à une réflexion sur les standards sexuels, au questionnement sur la sexualité hétéronormative, voir à la remise en question des codes sur l’identité de genre. L’homme doux, sensible aux femmes, voir féministe est quelque part dans la palette de couleur du LGTBQ2S+. C’est une identité qui explique bien des choses : l’homme privé de son pénis, qui apprécie la pénétration réceptive et qui pour certains s’exprime par un certain code de féminité ou même le travestissement à divers degrés sont des éléments retrouvés chez une bonne part des encagés. Ces hommes sont différents des autres hommes. La question est de savoir si ceci est une sous-culture du BDSM ou si plutôt l’expression d’une nouvelle identité par rapport aux standards de genres. Je crois à la deuxième hypothèse.


Question : Justement, dans une note que bas de page vous faites référence à « L’homme lesbien » de Jean Markale. Est-ce que l’homme encagé par la CMC raisonnée, chaste physiquement et émotionnellement est un homme lesbien?


Réponse : Ce terme définit très bien ma vision de l’homme dans la CMC raisonnée, tellement que je croyais l’avoir inventé. Mais mes recherches ont mené rapidement à Jean Markale qui aura été le premier à l’utiliser dans son essai. Sa définition d’homme lesbien est sans aucun doute la plus complète de toutes les définitions. J’étais homme lesbien avant de découvrir la CMC. Je peux l’être sans la CMC. C’est un état d’être, une identité, quelque chose d’inné qui décrit bien ces hommes, qui comme moi, jouissent davantage du plaisir accordé à leur conjointe que de leur propre plaisir. Lorsque j’ai dit à ma conjointe « Je n’aime pas tant que ça te pénétrer! », il y avait beaucoup de ce grand complexe qui touche les hommes comme moi qui ont peur d’exprimer leurs désirs réels. Ça voulait aussi dire : « J’aimerais te proposer autre chose la prochaine fois! J’aimerais qui tu t’ouvres à mes désirs! Je voudrais ne pas jouir! J’ai besoin que tu me comprennes. » Et de là est née ma réflexion et nos échanges, pas seulement sur le déni d’orgasme que permet la cage de chasteté, mais aussi sur la sexualité masculine décomplexée, sans pénis, et de mes véritables désirs presque lesbiens. Cette notion a été très difficile à intégrer pour ma conjointe tellement que le modèle classique pénétration-coït est fort. Et il y a eu la lecture de ce sondage Ifop en 2020 qui révélait que 22% des 18-30 ans ne se sentaient ni homme, ni femme. Le déclic s’est fait à ce moment et son regard sur moi et ma sexualité a évolué depuis. Je n’ai plus à me cacher, à faire semblant d’aimer jouir en elle! Pour répondre à la question, je pense que la réponse est oui, si l’homme privé de pénétration atteint le point où sa sexualité finie par ressembler à celle des femmes, qu’il fait bien de deuil de la pénétration, qu’il dissocie totalement sa CMC du BDSM et qu’il adopte pour son plaisir certains comportements sexuels réservés aux femmes. Et ceci bien parce qu’il en a profondément envie, et non pas par soumission ou humiliation. On a là tout pour décrire le comportement lesbien sexuel d’un homme hétéro. Mais je ne veux pas dénaturer le terme de Jean Merkale en l’associant à la CMC raisonnée et à la sexualité masculine décomplexée. C’est la raison pour laquelle je réfère au livre en note de bas de page et que j’évite d’utiliser cette appellation.


Question : Dites, est-ce que la COVID-19 a changé quelque chose dans votre CMC? Vous n’en faites pas mention dans votre guide.


Réponse : Oui, beaucoup même! Avant, on planifiait beaucoup la CMC lors de nos week-ends et nos vacances. Puis toute la famille s’est retrouvée confinée 24/7 à la maison. On a tout mis de côté! Pas avec deux adolescentes à la maison. Puis ma conjointe et moi, nous nous sommes ensuite retrouvés enfin seuls en télétravail à plein temps. On a essayé plusieurs choses, mais on a finalement pris le mode CMC à temps partiel la nuit. J’enfile la cage après la douche du soir, je dors avec, et elle me la retire quelque part dans la journée. Il n’y a plus de problème d’hygiène. On pense mettre la cage si je sors seul ou si elle me laisse seul à la maison, mais avec souplesse. Par exemple, je cours et m’entraîne régulièrement et je le fais évidemment sans la cage. On note dans un calepin mes rares orgasmes et les effets positifs de l’ocytocine sur mon humeur. On peut affirmer que la qualité de notre relation est nettement meilleure qu’avant. Et c’est comme ça tous les jours, presque! Il arrive que l’on fasse des pauses de quelques semaines, puis on reprend. Avec le télétravail mes nuits de sommeil sont plus longues. J’arrive à suffisamment dormir. Au lit, ma conjointe sait que j’ai toujours la cage, et pas question de la retirer. Mi-quarantaine, elle est à son meilleur du côté de sa sexualité. Elle demande pour elle! Elle sait ce qu’elle veut! Je demande ensuite pour moi dans ce nouveau plaisir sans complexe! Je ne demande pas souvent à jouir, et si je jouis c’est dans la cage. Ceci me convient pleinement. Cette nouvelle sexualité en couple nous plaît à tous les deux. Et le jour, je ne cherche pas à profiter de ma liberté pour me soulager seul en cachette. Je respecte mon engagement. Je n’ai jamais autant porté la cage, ni eu autant plaisir depuis deux ans. L’adaptation, c’est très CMC raisonnée!


Question : Dernière question pour finir. Aux couples qui embarquent dans la CMC raisonnée, quels conseils voulez-vous leur donner?


Réponse : Comme je l’ai déjà dit, faites des choix simples, amusez vous, lancez vous des défis raisonnables! Restez dans la zone plaisir. Vous pouvez bâtir votre propre CMC sans l’appliquer de manière radicale, sans BDSM, sans port prolongé de la cage, sans chercher à faire tout comme les autres. Aux conjointes qui sont réticentes, ne voyez pas la cage comme un objet humiliant, mais bien comme un besoin, un désir pour l’homme. Cherchez à comprendre ce désir, aider-le à le définir. Faite l’effort de garder la clé, ne la laissez pas sur la table de chevet le matin. Aux encagés, évitez de fixer uniquement votre attention sur la cage. Posez plutôt votre regard sur votre partenaire. Et ne bousculez pas les choses, soyez patient. La CMC raisonnée est une façon de vivre sa sexualité, la cage de chasteté n’est que l’outil.

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